2008-11-26

La chance ratée de Mario Dumont

Mario Dumont se devait de remporter le débat d'hier haut-la-main s'il voulait une chance de maintenir une bonne représentation à l'Assemblée nationale. Il ne l'a pas fait. Ce n'est pas parce qu'il n'en a pas eu l'opportunité.

En fait, comme un excellent boxeur, M. Dumont a jabbé continuellement, afin de faire baisser les bras à son adversaire principal, M. Charest. Ses attaques répétées ont porté fruit : lorsqu'il a demandé à M. Charest le montant de la dette du Québec, ce dernier a été pris de court. On voyait sur le visage de M. Charest, ainsi que dans ses propos, qu'il réalisait qu'il venait de se faire avoir. Il s'est débattu tant bien que mal et est repassé à l'attaque, afin de ne pas devoir se défendre.

Dans cette instance, M. Dumont a péché par excès d'indulgence. En effet, pour un premier ministre qui se targue de mettre l'économie d'abord, comment se fait-il qu'il n'ait aucune idée du niveau de la dette nationale? M. Dumont avait là une occasion en or de capitaliser sur l'ignorance de M. Charest.

En fait, tout comme M. Charest repassait sans arrêt sa « cassette » à propos des erreur du gouvernement péquiste qui l'a précédé, M. Dumont aurait pu tout aussi bien revenir à l'attaque sans arrêt sur cette grosse bourde de M. Charest.

M. Dumont était sur la défensive au lieu d'être sur l'offensive, ce qui ne lui a pas permis de voir et de capitaliser sur cette ouverture. Il aura encore la chance de le faire dans les jours à venir, mais je crois qu'il sera trop peu, trop tard.

2008-11-25

Le débat québécois 2008

La formule du débat de cette année est plus intéressante que ce qui a été offert dans les élections fédérales du mois d'octobre.

En gros:

  • M. Charest est celui qui a réagi de la façon la moins émotive. Plusieurs de ses affirmations ont été accueillies avec des holas de la part de M. Dumont et Mme Marois. Il a utilisé la technique du disque brisé à plusieurs reprises pour remettre les « fautes » de Mme Marois sur la table. Lorsqu'il parlait, il était sûr de lui, utilisait un ton de voix fort et direct. Le gros problème de M. Charest, c'est qu'il ne regarde pas les gens dans les yeux. C'est souvent un signe de mensonge, ou tout du moins, que l'on cache quelque chose. Il est le plus convaincant lorsqu'il regarde les gens dans les yeux, qu'il se penche vers l'avant et qu'il parle sans hésiter. Sa vraie force c'est de passer à l'attaque, mais pour répondre (même lorsqu'il répond aux téléspectateurs) ils est moins que convaincant.

  • Mme Marois a été très combative. Elle n'avait pas le choix, sinon elle n'avait aucune chose de gagner et de marquer des points. Elle a eu souvent à défendre la performance du gouvernement péquiste de Bernard Landry. En somme, je trouve qu'elle l'a bien fait. Elle a su aller au-delà de son image de « snob ». Pour un premier débat en 30 ans, elle avait l'air à l'aise et sure d'elle. Ce que je n'ai pas aimé : les interruptions incessantes. Par moment, j'avais vraiment l'impression qu'elle n'écoutait pas. Est-ce un signe de son style de gestion? Ou est-ce le signe d'un vraie bagarreuse ?

  • M. Dumont: quoi dire? Il devait faire un KO sur toute la ligne et il n'a pas réussi. Il a émis des idées intéressantes mais elles ne se sont pas élevées au-dessus de celles de M. Charest et Mme Marois. Il a été bon, mais il aurait fallu qu'il soit extraordinaire.

  • Stephan Bureau, l'animateur, a été noyé par moments mais il semblait s'amuser comme un poisson dans l'eau. Parfois, il avait de la difficulté à établir son autorité mais il n'a jamais eu à appuyer sur le bouton qui éteignait le micro des trois candidats. Quand les débats était le plus houleux, il a quand même réussi à imposer sa loi sans élever la voix et sans faire de menace. Il est un animateur compétent, respectueux, et fort sympathique.

Somme toute, un bon débat. Mais selon moi, pas encore assez pour faire les électeurs changer d'avis.

Où donc sont passés les orateurs qui nous touchent tant dans la tête, le coeur et l'esprit?

2008-11-21

Les cartes d'affaires qui rendent fou

Depuis quelques semaines, je porte beaucoup plus d'attention au design des cartes d'affaires que je reçois. J'ai fait refaire les miennes récemment et il y a certains éléments que j'aime moins, maintenant que je les ai dans mes mains. Je vais y porter des changements lors de la prochaine impression.

Voici certains éléments de design graphique qui, selon moi, sont importants dans la création d'une carte d'affaires:
  • Un excellent contraste: le jaune sur le blanc, le brun sur le noir, même le bleu sur le noir sont des combinaisons qui sont frustrantes à déchiffrer. Bleu sur blanc, noir sur blanc, noir sur jaune: un contraste fort est essentiel pour la lisibilité.
  • Une police de grande taille: c'est un des problèmes de la mienne. La police que j'ai utilisée est trop petite à lire. L'information y est, le contraste est bon, mais mon nom, numéro de téléphone et courriel sont trop petits. La prochaine fois, je les ferai plus gros, quitte à mettre seulement mon nom, mon courriel et mon numéro de téléphone sur l'endos et l'adresse et autres informations au verso. Les informations de contact primaires doivent être facilement lisibles.
  • Un seul nom: peut-être que je suis vieux jeu, mais les cartes d'affaires contenant deux, trois ou quatre noms me rendent fou! Dans une soirée, je peux rencontrer une vingtaine de personne ou plus et parfois, on me tend une carte sans que j'aie le temps de la regarder. Le lendemain, ou le surlendemain, quand je les regarde et qu'il y a plusieurs noms sur une carte, je ne sais plus de quelle personne il s'agit. C'est à en devenir dingue.
Le phénomène des cartes à noms multiples en est un assez récent. Je ne sais pas si c'est pour être plus "vert" ou non, mais au niveau de la communication, ce n'est pas l'approche la plus efficace.

2008-11-17

55-38-7? Ben voyons donc!

En attendant de me faire servir dans un restaurant, je surveillais ce qui se passait autour de moi. De loin, j'ai aperçu un homme, qui semblait tituber légèrement en marchant, se diriger vers la porte d'entrée du restaurant. Il portait un jeans délavé, un T-shirt qui n'était pas immaculé et il ne souriait pas du tout. Il est entré et s'est approché du propriétaire, à qui il a glissé une liasse de billets pliés. Il lui a glissé quelques mots à l'oreille, puis le propriétaire a empoché l'argent et l'homme est ressorti.

Qu'est-ce qui s'est passé? Je ne sais pas pour vous mais à mes yeux, je venais de voir la conclusion d'une transaction illicite. J'ai surement tort. En tout cas, je l'espère bien! Je n'ai pas envie de me retrouver dans ce restaurant alors qu'une descente policière s'y prépare!

Ma réaction est probablement exagérée. Par contre, cela montre l'effet des premières impressions et les erreurs qui peuvent être commises en sautant trop rapidement à des conclusions.

Ce qui m'amène à parler du langage non-verbal. Quand je donne des formations sur l'art oratoire, je passe toujours une partie de mon temps à parler de langage non-verbal. En particulier, je traite de la statistique 55-38-7.

C'est une statistique que vous verrez souvent lorsque l'on parle de communication non-verbale: 55% de votre communication vient de votre langage non-verbal, 38% vient du ton de la voix et seulement 7% provient des mots utilisés.

La première fois que je l'ai entendue, ce fut une révélation! J'étais certain d'avoir découvert LE secret de l'art oratoire. Et comme beaucoup d'autres, je me suis mis à citer cette statistique dans mes discours et formations.

Le problème est que cette statistique est fausse. Ou du moins, elle n'est pas citée à bon escient. La statistique sert simplement à expliquer pourquoi on ne croira pas quelqu'un qui dit une chose, mais dont le ton de voix et le corps démontre autre chose. Par exemple, quelqu'un qui dit « Je suis content d'être parmi vous » mais qui ne sourit pas, ni ne regarde les personnes à qui il parle, aura de la difficulté à convaincre son auditoire.

Mais de là à extrapoler cela à toute interaction, il y a un pas... par-dessus un gouffre! Il y a des moments où la communication se fait pratiquement entièrement par les mots. Le non-verbal et le ton de voix ne viennent que rendre la communication plus agréable, sans pour autant la rendre plus valide ou moins valide.

Je m'explique: disons que je vous enseigne comment utiliser Excel de Microsoft et que je parle des tables de pivot. Je pourrais vous en expliquer leur fonctionnement en lisant le contenu des pages d'aide de Microsoft. Ou, je pourrais vous l'expliquer en mes propres mots en vous montrant sur un écran comment faire. Ou encore, je pourrais vous raconter l'histoire du singe, du bananier et du boyau de pompier afin de vous préparer à vivre l'expérience la plus phénoménale que vous ayez jamais eue avec un ordinateur!

À la fin de chacune de ces trois approches, vous aurez la même quantité d'information. L'information sera la même. Par contre, dans le premier cas vous vous serez probablement endormi en écoutant; dans le second, vous aurez peut-être été plus attentif à l'image projetée devant vous; dans le troisième cas, vous aurez probablement été surpris, vous aurez ri et vous aurez apprécié votre moment d'apprentissage.

Par contre, en aucun cas l'information sera-t-elle invalide. Bien sûr, je prends pour acquis que dans les trois approches le contenu relié à Excel est correct. Je n'aurai pas livré plus d'informations dans un cas ou dans l'autre. Par contre, vous aurez probablement apprécié une forme plus qu'une autre.

Lorsque vous entendez les gens citer la statistique 55-38-7, ils diront quelque chose qui ressemble à ceci: « 55% de ce que vous communiquez provient de votre langage non-verbal, 38% provient de votre ton de voix et seulement 7% provient des mots que vous utilisés. Donc ce que vous dites n'est pas important, c'est la manière dont vous le dites qui compte. » On parle alors d'avoir une posture ouverte (ne pas garder les bras ou les jambes croisées), de regarder les gens dans les yeux, de sourire, etc.

Albert Mehrabian, l'auteur de la recherche originale ayant mené à la découverte de ces statistiques (publiée dans le livre Silent Messages) , a toujours déploré cet abus du résultat de son travail. Il dit que ces chiffres représentent la réalité uniquement lorsque l'on exprime des opinions ou des sentiments.

Lorsque l'on me dit que les mots ne sont pas importants, je me demande souvent quelle serait la réaction des prisonniers dans une prison à haute sécurité si je leurs disais, avec mon plus grand sourire et mon ton de voix le plus amical: « Vous êtes des imbéciles... »

La leçon pour ceux et celles qui ont à prendre la parole en public est ceci: oui, c'est vrai que le non-verbal est important dans une présentation. Mais il ne faut pas croire qu'un bon non-verbal à lui seul sauvera un discours, si vous n'avez rien à dire.

Les paroles comptent.

2008-11-16

Est-ce que la solution est plus grande que le problème

Aujourd'hui je discutais avec un médecin d'expérience de la situation des médecins d'expérience, c'est-à-dire, ceux qui s'approchent de la retraite. Il m'expliquait qu'il devait encore faire des gardes, qu'il travaille encore cinq jours, ou plus, par semaine et que lorsqu'il sera à sa retraite, il va arrêter complètement.

Dans la discussion, ma femme et moi lui avons demandé pourquoi il ne prenait pas une retraite graduelle, en travaillant pas un jour ou deux par semaine seulement au lieu de passer d'un coup sec de cinq jours par semaine, à rien. Il nous a ouvert les yeux sur un aspect de la profession médicale que je ne connaissais pas.

D'après ce que j'ai compris (et j'invite un médecin à me corriger si j'ai tort), un médecin a deux statuts possibles au yeux du gouvernement québécois: il est actif, ou il est inactif. S'il est actif, il a une charge de travail de 100%. S'il est inactif, sa charge est de 0%. Il n'y pas d'entre deux, donc un médecin ne peut travailler à temps partiel.

Si un médecin, pour une raison ou une autre, décide de travailler moins d'heures par semaines, on ne peut le remplacer. La charge de travail qu'il n'exécute pas doit être prise en charge par les autres médecins. Par exemple, s'il y cinq médecins dans un département et que l'un d'eux ne travaille que trois jours par semaine, on ne peut engager un sixième médecin pour combler les deux autres jours. La responsabilité incombe aux quatre autres médecins.

La raison de cette situation est simple: à l'origine, on voulait forcer les médecins à aller pratiquer en région, là où la plupart d'entre eux ne voulaient pas aller. En assignant une charge complète de travail à chaque médecin et en imposant un nombre strict de médecins pour chaque région du territoire, tout médecin voulant pratiquer devait se déplacer là où il y avait de la place.

Cette solution a probablement rencontré un certain succès, mais maintenant, peut-être faut-il penser à la modifier car elle commence à montrer des effets néfastes. Parmi ces effets, je note les suivants:
  • Les jeunes médecins n'ont pas la chance d'être exposés à ceux qui ont plus d'expérience. Ils apprennent sur les bancs d'école, puis commencent à travailler. Mais comme ce médecin me l'expliquait, les médecins voient beaucoup de cas qui n'apparaissent pas dans les livres. Dans ces cas, c'est l'expérience du métier qui dictera la marche à suivre. Mais qu'arrive-t-il si les jeunes médecins n'ont pas un accès facile à cette expérience dans leur entourage immédiat?
  • Un médecin de soixante ans n'aura peut-être pas envie de travailler cinq jours par semaines, alors qu'à trente ans cela le dérangeait moins. Peut-être que cela peut l'inciter à quitter la profession en prenant une retraite anticipée, alors qu'en ayant la chance de travailler une ou deux journées en moins par semaine, il serait prêt à travailler plus longtemps.
  • Pas de conciliation travail/famille, surtout pour les jeunes médecins. Lorsque l'on sait que les médecins doivent régulièrement faire des gardes de 24 heures ou faire des fins de semaine complètes, cela rend la tâche du jeune parent beaucoup plus difficile.
Les baby boomers commencent petit à petit à quitter la profession. Certains attendent l'âge de retraite, mais plusieurs optent de le faire plus tôt, parce que la situation dans les hôpitaux devient plus lourde et plus difficile. L'exode massif de tout ce savoir, toute cette connaissance et toute cette expérience ne peut être une bonne chose pour les Québécois, surtout si cette connaissance n'est pas transmise aux plus récentes cuvées de médecins.

Quelles solutions sont possibles?
  • Permettre aux médecins âgés de travailler à temps partiel. Si deux médecins d'expérience se partagent une semaine de travail, les coûts ne sont pas plus élevés pour l'état que si ces deux médecins travaillent à temps plein. Par contre, cela permet à au moins un jeune médecin de prendre la place laissée vacante.
  • Offrir aux médecins plus âgés de faire une ou deux journées de mentorat rémunéré auprès des plus jeunes médecins. Les coûts seront plus élevés mais le transfert et le partage d'expérience est inestimable. L'apprentissage des jeunes médecins en sera accéléré, les médecins à la retraite se sentiront encore utiles pour la communauté et pour leur profession, et la population sera mieux servie à long terme.
À mes yeux, la situation actuelle est une solution à un problème qui risque de coûter plus cher à l'état et risque de causer plus de problèmes à long terme, que la recherche d'une solution alternative.

Dans les années '90, le gouvernement québécois a payé un prix élévé en tentant de mettre à la retraite anticipée une partie du corps médical (médecins et infirmiers/infirmières). À cette époque, on a offert une prime à tous ceux et celles qui souhaitaient quitter la médecine. La raison? On tentait de diminuer les dépenses et on a tenté de le faire en diminuant la masse salariale de l'ensemble des médecins et infirmières.

Malheureusement, le programme a été trop populaire: il y a eu plus de retraites que prévues et depuis lors, la situation dans les hôpitaux ne cesse de se détériorer. Pis encore, plusieurs médecins et infirmières ont été rappelés de leur "retraite" pour les inviter à se joindre à nouveau à la profession médicale. Donc, en fin de compte, cela aura coûté plus cher en argent et en capital humain.

Il n'est pas trop tard pour éviter les gros problèmes dans le système de la santé. Il suffit de mettre les egos de côté, de dialoguer et de chercher une solution qui soit profitable pour le gouvernement, pour les médecins et infirmières, et surtout, pour la population vieillissante.