2008-11-16

Est-ce que la solution est plus grande que le problème

Aujourd'hui je discutais avec un médecin d'expérience de la situation des médecins d'expérience, c'est-à-dire, ceux qui s'approchent de la retraite. Il m'expliquait qu'il devait encore faire des gardes, qu'il travaille encore cinq jours, ou plus, par semaine et que lorsqu'il sera à sa retraite, il va arrêter complètement.

Dans la discussion, ma femme et moi lui avons demandé pourquoi il ne prenait pas une retraite graduelle, en travaillant pas un jour ou deux par semaine seulement au lieu de passer d'un coup sec de cinq jours par semaine, à rien. Il nous a ouvert les yeux sur un aspect de la profession médicale que je ne connaissais pas.

D'après ce que j'ai compris (et j'invite un médecin à me corriger si j'ai tort), un médecin a deux statuts possibles au yeux du gouvernement québécois: il est actif, ou il est inactif. S'il est actif, il a une charge de travail de 100%. S'il est inactif, sa charge est de 0%. Il n'y pas d'entre deux, donc un médecin ne peut travailler à temps partiel.

Si un médecin, pour une raison ou une autre, décide de travailler moins d'heures par semaines, on ne peut le remplacer. La charge de travail qu'il n'exécute pas doit être prise en charge par les autres médecins. Par exemple, s'il y cinq médecins dans un département et que l'un d'eux ne travaille que trois jours par semaine, on ne peut engager un sixième médecin pour combler les deux autres jours. La responsabilité incombe aux quatre autres médecins.

La raison de cette situation est simple: à l'origine, on voulait forcer les médecins à aller pratiquer en région, là où la plupart d'entre eux ne voulaient pas aller. En assignant une charge complète de travail à chaque médecin et en imposant un nombre strict de médecins pour chaque région du territoire, tout médecin voulant pratiquer devait se déplacer là où il y avait de la place.

Cette solution a probablement rencontré un certain succès, mais maintenant, peut-être faut-il penser à la modifier car elle commence à montrer des effets néfastes. Parmi ces effets, je note les suivants:
  • Les jeunes médecins n'ont pas la chance d'être exposés à ceux qui ont plus d'expérience. Ils apprennent sur les bancs d'école, puis commencent à travailler. Mais comme ce médecin me l'expliquait, les médecins voient beaucoup de cas qui n'apparaissent pas dans les livres. Dans ces cas, c'est l'expérience du métier qui dictera la marche à suivre. Mais qu'arrive-t-il si les jeunes médecins n'ont pas un accès facile à cette expérience dans leur entourage immédiat?
  • Un médecin de soixante ans n'aura peut-être pas envie de travailler cinq jours par semaines, alors qu'à trente ans cela le dérangeait moins. Peut-être que cela peut l'inciter à quitter la profession en prenant une retraite anticipée, alors qu'en ayant la chance de travailler une ou deux journées en moins par semaine, il serait prêt à travailler plus longtemps.
  • Pas de conciliation travail/famille, surtout pour les jeunes médecins. Lorsque l'on sait que les médecins doivent régulièrement faire des gardes de 24 heures ou faire des fins de semaine complètes, cela rend la tâche du jeune parent beaucoup plus difficile.
Les baby boomers commencent petit à petit à quitter la profession. Certains attendent l'âge de retraite, mais plusieurs optent de le faire plus tôt, parce que la situation dans les hôpitaux devient plus lourde et plus difficile. L'exode massif de tout ce savoir, toute cette connaissance et toute cette expérience ne peut être une bonne chose pour les Québécois, surtout si cette connaissance n'est pas transmise aux plus récentes cuvées de médecins.

Quelles solutions sont possibles?
  • Permettre aux médecins âgés de travailler à temps partiel. Si deux médecins d'expérience se partagent une semaine de travail, les coûts ne sont pas plus élevés pour l'état que si ces deux médecins travaillent à temps plein. Par contre, cela permet à au moins un jeune médecin de prendre la place laissée vacante.
  • Offrir aux médecins plus âgés de faire une ou deux journées de mentorat rémunéré auprès des plus jeunes médecins. Les coûts seront plus élevés mais le transfert et le partage d'expérience est inestimable. L'apprentissage des jeunes médecins en sera accéléré, les médecins à la retraite se sentiront encore utiles pour la communauté et pour leur profession, et la population sera mieux servie à long terme.
À mes yeux, la situation actuelle est une solution à un problème qui risque de coûter plus cher à l'état et risque de causer plus de problèmes à long terme, que la recherche d'une solution alternative.

Dans les années '90, le gouvernement québécois a payé un prix élévé en tentant de mettre à la retraite anticipée une partie du corps médical (médecins et infirmiers/infirmières). À cette époque, on a offert une prime à tous ceux et celles qui souhaitaient quitter la médecine. La raison? On tentait de diminuer les dépenses et on a tenté de le faire en diminuant la masse salariale de l'ensemble des médecins et infirmières.

Malheureusement, le programme a été trop populaire: il y a eu plus de retraites que prévues et depuis lors, la situation dans les hôpitaux ne cesse de se détériorer. Pis encore, plusieurs médecins et infirmières ont été rappelés de leur "retraite" pour les inviter à se joindre à nouveau à la profession médicale. Donc, en fin de compte, cela aura coûté plus cher en argent et en capital humain.

Il n'est pas trop tard pour éviter les gros problèmes dans le système de la santé. Il suffit de mettre les egos de côté, de dialoguer et de chercher une solution qui soit profitable pour le gouvernement, pour les médecins et infirmières, et surtout, pour la population vieillissante.

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