2007-05-31

Critiquer sans blesser

Cette semaine, mon fils m'a appelé dans sa chambre alors qu'il était couché, pour me demander de l'aide. Sa question: « Comment puis-je dire à quelqu'un dans ma classe de cesser un comportement qui m'embête? »

Le comportement qui l'embête est que cet élève s'excuse chaque fois qu'il prend la parole. Mon fils trouve qu'il est « trop poli! »

Ce qui m'a le plus étonné, c'est qu'il m'ait demandé comment faire pour critiquer, sans blesser l'autre. Ce dernier point est crucial.

Trop souvent, comme parent, je trouve que je critique le comportement de mes enfants, sans trop penser aux conséquences. Pourtant, je connais plusieurs approches utiles pour critiquer, qui sont beaucoup plus efficaces que celles que j'utilise dans mon rôle de père.

La technique que j'ai montrée à mon fils est la technique du sandwich. Elle comporte quatre parties et je vous l'offre:

  1. Faire un commentaire positif: cette étape est cruciale. Elle permet de mettre votre interlocuteur à l'aise. Lorsqu'il est à l'aise, il sera plus ouvert à votre critique. Soyez honnête dans vos commentaires. Ne faites pas des compliments pour le simple fait de faire des compliments. Ça paraît faux et l'autre personne s'en rendra compte.
  2. Faites votre critique: formulez votre critique, en vous basant sur les comportements de la personne. Soyez le plus spécifique possible et assurez-vous de ne pas critiquer la personne elle-même. Il est essentiel de ne critiquer que ses comportements.
  3. Offrez une solution: si vous avez une solution, proposez-la. Si vous n'en avez pas, demandez à votre interlocuteur d'en trouver une. D'ailleurs, cette dernière approche sera souvent la meilleure. Si c'est elle qui trouve la meilleure solution au problème, il lui sera beaucoup plus difficile de ne pas suivre ses propres recommandations la prochaine fois.
  4. Terminez sur une note positive: remerciez la personne et laissez-la partir en bons termes. Lorsque je termine mes critiques, j'essaie aussi de réitérer l'engagement que la personne a pris, avant de la laisser partir.

Voici un exemple: vous avez un collègue de travail, Jacques, qui vous remet ses rapports mensuels en retard. À cause de lui, vous êtes souvent à la dernière minute avant de remettre le rapport final à votre patron. Vous pourriez l'aborder de cette façon:

  1. « Jacques, tu fais de l'excellent travail avec tes rapports mensuels. D'ailleurs, j'ai eu plusieurs commentaires élogieux à ce sujet de la part du patron. »
  2. « Cependant, il y a un aspect de tes rapports qui est moins bon. Tu m'as donné les trois derniers rapports le 6 du mois, alors que j'en ai besoin au plus tard le 4 du mois. »
  3. « Qu'est que je peux faire pour t'aider à me remettre les rapports avant le 4 du mois? »
  4. « Merci de ta compréhension et de ta collaboration. Le mois prochain, si tu ne reçois pas les bilans à temps, avise-moi avant le 3 pour que je puisse prendre les mesures nécessaires afin de te les faire parvenir [c'est la solution préconisée à l'étape précédente]. J'apprécie l'ouverture que tu as démontrée pour tenter de résoudre ce problème. »

En général, cette approche fonctionne très bien et donne de bons résultats. Il y a certaines subtilités dont il faut tenir compte. J'en ferai l'objet d'un autre billet.

2007-05-29

Un homme qui embrasse un homme

En tant qu'homme, embrassez-vous votre père? Embrassez-vous vos oncles? Frères? Cousins?

La société nord-américaine a une position assez ambivalente quant à ce geste relativement anodin.

Je n'y ai jamais vraiment porté attention avant d'arriver à l'âge adulte. J'ai remarqué que lorsque je voyais mon père, je l'embrassais toujours sur la joue. Pour moi, c'était un geste naturel que j'ai toujours posé tout au long de ma vie. Avec l'âge, l'habitude n'a pas changé et c'est demeuré jusqu'à ce jour.

J'ai remarqué que la majorité des hommes de mon âge (je viens d'avoir vingt ans... pour la vingtième fois) serraient la main de leur père en le voyant. Des fois, il n'y a même pas de contact physique; ils ne font que se dire bonjour à haute voix.

Aujourd'hui j'ai eu la chance de rencontrer un homme d'âge mûr qui m'expliquait que son fils l'avait embrassé pour la première fois en 24 ans. Ouf!

Comme père de famille, ça m'a fait un choc. Mon fils est encore à l'âge où il m'embrasse et il me serre dans ses bras. Il n'a pas encore atteint « l'âge ingrat » où il cherche à découvrir qui il est vraiment. Il n'a pas encore atteint l'âge où ses amis de classe pourraient le taquiner s'ils le voient embrasser un homme... même si cet homme est son père.

Les hommes souffrent considérablement d'une absence de contact physique. Il y a une tendance à accepter le contact violent entre garçons, mais à juger négativement le contact neutre ou positif. Ce manque de contact peut avoir des effets très négatifs à long terme.

(En tentant rapidement de trouver des articles sur le sujet, la majorité de mes recherches aboutissaient à des articles sur la violence chez les hommes, l'homosexualité ou le SIDA.)

J'ai eu la chance de vivre dans un milieu où j'ai été exposé à un contact différent entre les hommes adultes qui m'entouraient. J'ai souvent vu mon père serrer ses amis dans ses bras; il ne m'a jamais repoussé quand je l'ai embrassé même à l'âge adulte et je crois que cela a beaucoup affecté ma façon d'agir avec d'autres hommes.

Lorsque j'étais au secondaire, je me rappelle que nous avions deux professeurs africains (malheureusement, je ne me souviens de quel pays ils venaient, mais je crois que c'était du Cameroun). Je les voyais régulièrement marcher ensemble, bras-dessus, bras-dessous.

Je fréquentais une école de religieux et j'avais entendu, par le biais de mes amis, tout ce qui se passait entre ces hommes quand les élèves n'étaient pas autour. Alors je me disais que les deux Africains étaient partenaires. Jusqu'à ce que quelqu'un m'explique que dans beaucoup de peuples africains, le contact physique entre hommes est fréquent et n'était qu'un signe d'amitié et de confiance.

Je ne me souviens pas avoir vu mon père embrasser d'autres hommes. Et c'est un peu ce que je vis présentement. J'ai rarement (jamais?) embrassé mes frères. Bon, peut-être une ou deux fois pour leur souhaiter Bonne Année, mais c'est tout. Idem pour mes cousins et mes oncles et mes amis.

Est-ce que c'est parce que j'ai une parcelle homophobe en moi? J'en doute. J'ai l'impression que c'est vraiment une question d'habitude. Entre frères, nous ne nous sommes jamais embrassés, même petits. Je n'ai jamais eu cette habitude avec mes oncles et cousins non plus... du moins, presque.

J'ai un oncle et des cousins grecs. Je les vois rarement mais chaque fois que je les vois, nous nous embrassons sur la joue. La première fois que c'est arrivé lorsque j'étais adulte, nous ne nous étions pas vus depuis près de vingt ans. Cela m'a pris par surprise. Mais par la suite, je considérais ce geste aussi naturel que celui que je pose envers mon père depuis que je suis petit.

Dans une société où l'on tente d'éliminer tout contact physique, je crois que les hommes ont un travail considérable à effectuer pour éliminer toutes les connotations négatives véhiculées à propos du contact mâle-mâle.

Je sais qu'un jour, j'aurai peut-être à faire face à cette situation avec mon fils. Je pourrais me retrouver dans la position où mon fils refuse tout contact physique avec moi, parce que je suis son père et que je suis un homme.

D'un autre côté, si je ne change pas mon attitude avec lui, même s'il vit une période plus difficile à l'adolescence, les (bonnes) habitudes acquises durant l'enfance devraient revenir d'elles-mêmes. C'est ce que je peux faire de mieux pour lui et pour moi.

2007-05-22

L'humour difficile

La semaine dernière je donnais une formation aux États-Unis. C'était un groupe particulièrement difficile. Normalement, je réussis à établir un contact assez rapide avec mon auditoire et je réussis à les faire rire tout au long des deux jours de formation.

Cette fois-ci, peu importe ce que je tentais, je réussissais à peine à les faire sourire. Dans une salle de 50 personnes, deux ou trois personnes seulement riaient de mes blagues.

En temps normal, je ne m'en fais pas trop quand mes blagues ne fonctionnent pas. Je sais qu'éventuellement, je réussirai à faire rire. Ce n'était pas le cas cette semaine. Chaque tentative était accueillie avec le même silence, qui prenait du poids à mesure que la journée avançait.

Je me suis dis que je n'en faisais pas assez. Alors, j'en ai rajouté: les grimaces, les contorsions sur scène, les danses ridicules. Rien à faire! J'ai même dû supplier en disant, « Vous avez le droit de rire sans me demander la permission! » Ce fut un succès: cinq personnes ont ri!

Finalement, j'ai dû me rendre à l'évidence: ce n'était pas une journée propice au rire. J'ai continué à faire des blagues, parce que c'est mon style, sans attendre de réaction de la part de la foule. Il fallait bien qu'au moins une personne s'amuse!

Au cours de l'après-midi du deuxième jour de formation, j'ai donné un exercice à faire aux étudiants et j'ai été... euh... éliminer l'excès d'eau que j'avais bu au cours de la matinée.

À mon retour dans la salle, une des étudiantes m'a accueilli en me demandant, « Reviens-tu de la toilette? » J'ai dit, « Oui, » un peu surpris, je l'avoue, par la question.

Elle a rajouté, « Tu savais que ton micro était allumé? » Bien sûr, elle se moquait de moi. J'avais vérifié mon micro sans fil dans la toilette et la lumière était éteinte, signifiant qu'il n'émettait plus. J'ai répondu, « Voyons donc, il est éteint! »

Au moment où j'ai répondu, j'ai entendu ma voix dans les hauts-parleurs! J'ai alors réalisé qu'ils avaient entendu tout ce que j'avais fait dans la toilette! Je vous passe les détails. Toujours est-il que c'est le moment où j'ai eu le plus de rires au cours de la journée.

Quelqu'un dans la salle m'a lancé, « Nous sommes heureux de savoir que tu te laves les mains quand tu as terminé! » Il a obtenu plus de rires que je n'en avais eu tout au long de la journée.

J'ai rarement été aussi embarrassé pendant une formation mais j'ai quand même utilisé la situation à mon avantage pour les faire rire un peu. Surtout lorsque quelque temps après j'ai fait une blague et que personne n'a ri. Je me suis alors penché sur mon micro et j'ai dit, « Pourtant il marchait tout à l'heure! » Ils ont ri.