2008-11-17

55-38-7? Ben voyons donc!

En attendant de me faire servir dans un restaurant, je surveillais ce qui se passait autour de moi. De loin, j'ai aperçu un homme, qui semblait tituber légèrement en marchant, se diriger vers la porte d'entrée du restaurant. Il portait un jeans délavé, un T-shirt qui n'était pas immaculé et il ne souriait pas du tout. Il est entré et s'est approché du propriétaire, à qui il a glissé une liasse de billets pliés. Il lui a glissé quelques mots à l'oreille, puis le propriétaire a empoché l'argent et l'homme est ressorti.

Qu'est-ce qui s'est passé? Je ne sais pas pour vous mais à mes yeux, je venais de voir la conclusion d'une transaction illicite. J'ai surement tort. En tout cas, je l'espère bien! Je n'ai pas envie de me retrouver dans ce restaurant alors qu'une descente policière s'y prépare!

Ma réaction est probablement exagérée. Par contre, cela montre l'effet des premières impressions et les erreurs qui peuvent être commises en sautant trop rapidement à des conclusions.

Ce qui m'amène à parler du langage non-verbal. Quand je donne des formations sur l'art oratoire, je passe toujours une partie de mon temps à parler de langage non-verbal. En particulier, je traite de la statistique 55-38-7.

C'est une statistique que vous verrez souvent lorsque l'on parle de communication non-verbale: 55% de votre communication vient de votre langage non-verbal, 38% vient du ton de la voix et seulement 7% provient des mots utilisés.

La première fois que je l'ai entendue, ce fut une révélation! J'étais certain d'avoir découvert LE secret de l'art oratoire. Et comme beaucoup d'autres, je me suis mis à citer cette statistique dans mes discours et formations.

Le problème est que cette statistique est fausse. Ou du moins, elle n'est pas citée à bon escient. La statistique sert simplement à expliquer pourquoi on ne croira pas quelqu'un qui dit une chose, mais dont le ton de voix et le corps démontre autre chose. Par exemple, quelqu'un qui dit « Je suis content d'être parmi vous » mais qui ne sourit pas, ni ne regarde les personnes à qui il parle, aura de la difficulté à convaincre son auditoire.

Mais de là à extrapoler cela à toute interaction, il y a un pas... par-dessus un gouffre! Il y a des moments où la communication se fait pratiquement entièrement par les mots. Le non-verbal et le ton de voix ne viennent que rendre la communication plus agréable, sans pour autant la rendre plus valide ou moins valide.

Je m'explique: disons que je vous enseigne comment utiliser Excel de Microsoft et que je parle des tables de pivot. Je pourrais vous en expliquer leur fonctionnement en lisant le contenu des pages d'aide de Microsoft. Ou, je pourrais vous l'expliquer en mes propres mots en vous montrant sur un écran comment faire. Ou encore, je pourrais vous raconter l'histoire du singe, du bananier et du boyau de pompier afin de vous préparer à vivre l'expérience la plus phénoménale que vous ayez jamais eue avec un ordinateur!

À la fin de chacune de ces trois approches, vous aurez la même quantité d'information. L'information sera la même. Par contre, dans le premier cas vous vous serez probablement endormi en écoutant; dans le second, vous aurez peut-être été plus attentif à l'image projetée devant vous; dans le troisième cas, vous aurez probablement été surpris, vous aurez ri et vous aurez apprécié votre moment d'apprentissage.

Par contre, en aucun cas l'information sera-t-elle invalide. Bien sûr, je prends pour acquis que dans les trois approches le contenu relié à Excel est correct. Je n'aurai pas livré plus d'informations dans un cas ou dans l'autre. Par contre, vous aurez probablement apprécié une forme plus qu'une autre.

Lorsque vous entendez les gens citer la statistique 55-38-7, ils diront quelque chose qui ressemble à ceci: « 55% de ce que vous communiquez provient de votre langage non-verbal, 38% provient de votre ton de voix et seulement 7% provient des mots que vous utilisés. Donc ce que vous dites n'est pas important, c'est la manière dont vous le dites qui compte. » On parle alors d'avoir une posture ouverte (ne pas garder les bras ou les jambes croisées), de regarder les gens dans les yeux, de sourire, etc.

Albert Mehrabian, l'auteur de la recherche originale ayant mené à la découverte de ces statistiques (publiée dans le livre Silent Messages) , a toujours déploré cet abus du résultat de son travail. Il dit que ces chiffres représentent la réalité uniquement lorsque l'on exprime des opinions ou des sentiments.

Lorsque l'on me dit que les mots ne sont pas importants, je me demande souvent quelle serait la réaction des prisonniers dans une prison à haute sécurité si je leurs disais, avec mon plus grand sourire et mon ton de voix le plus amical: « Vous êtes des imbéciles... »

La leçon pour ceux et celles qui ont à prendre la parole en public est ceci: oui, c'est vrai que le non-verbal est important dans une présentation. Mais il ne faut pas croire qu'un bon non-verbal à lui seul sauvera un discours, si vous n'avez rien à dire.

Les paroles comptent.

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