2009-01-09

Les excuses de Véro et Louis

Avant d'aller plus loin, il faut que je sois honnête : j'ai vu le Bye Bye de l'an dernier et après le sketch de la famille Roy, j'ai préféré à jouer à Guitar Hero World Tour tout en suivant le reste de l'émission du coin de l'oeil.

Mon verdict : je n'ai pas aimé. J'ai trouvé certaines blagues douteuses, surtout en sachant que ça passerait le lendemain aux heures de grande écoute. Ce n'était pas entièrement mauvais, mais ce n'était pas un grand crû.

Je dois dire aussi que j'aime bien Véronique Cloutier (je ne connais pas vraiment Louis Morissette). Je la trouve éminemment sympathique, jolie et elle semble toujours habitée d'une grande joie de vivre. Ce n'est pas pour rien que tout le monde l'appelle Véro.

Alors j'étais bien intéressé à entendre ce que les deux avaient à dire au sujet de toute la controverse. Dès l'entrée de Véronique, je sentais que ça n'allait pas du tout. Son sourire habituel avait été remplacé par une mine sévère et son ton de voix enjoué habituel, était complètement absent.

Le Bon

Aucun des deux n'a lu de script. D'ailleurs, Véronique l'avait dit d'emblée : c'étaient les deux qui parlaient, sans avoir eu recours à une firme de « faiseurs d'images ». Ils regardaient généralement en direction des journalistes et parlaient franchement et honnêtement.

Ils se sont excusés à maintes reprises. Encore et encore. Au début, quand Louis Morissette a pris la parole pour la première fois, je croyais qu'il allait pleurer. Il a secoué la tête en disant qu'il ne croyait pas ce qui se passait.

À tour de rôle, ils ont expliqué le travail qu'ils ont fait et comment ils s'y sont pris. Louis Morissette a même été jusqu'à expliquer la construction et la confection de ses gags. Comme il l'a dit lui-même, quand on raconte une blague et qu'il faut l'expliquer après, c'est qu'on a raté notre coup.

Lorsque je travaille avec des clients, je leur répète souvent que lorsqu'ils se trouvent face à une situation difficile ou tendue, ce n'est pas le moment de sauter aux conclusions. Les nerfs sont à vif et les émotions sont à fleur de peau, ce qui peut teinter considérablement leur point de vue. La seule façon de contrecarrer cet effet est de poser des questions.

Dans le cas de Véronique et Louis, la presse a tout de suite sauté aux conclusions en les traitant de racistes et de rancuniers. Il était clair pendant la conférence de presse que les deux principaux intéressés étaient outrés par ces accusations.

Louis Morissette a expliqué le processus de décision par lequel il a dû passer avant de créer et de diffuser le sketch sur Barack Obama et le sketch sur Nathalie Simard.

Ma propre réaction le soir où je les ai vus : j'ai souri au sketch de Nathalie Simard et j'ai trouvé celui de Barack Obama insignifiant. Je voyais bien qu'ils se moquaient de Denis Lévesque mais je n'avais pas trop compris pourquoi, ni pourquoi ils avaient choisi Obama autre que le fait qu'il soit dans les manchettes en permanence.

L'explication : si nous ne parlions pas de Nathalie Simard, nous nous serions faits accuser d'éviter les sujet chauds qui touchent la famille. C'était une situation lose/lose, il n'y avait pas de façon de s'en sortir. La décision finale a été faite après que Morissette ait vu d'autres troupes se moquer de Nathalie Simard sans problèmes.

Je note, au passage, son excellent choix de mots : au lieu de parler de Nathalie Simard qui aurait dénoncé son père, Véronique a dit qu'elle avait dénoncé son agresseur.

Pour Denis Lévesque, l'explication était aussi simple : Louis Morissette l'a trouvé insignifiant dans son entrevue de l'été dernier avec Paul McCartney (je suis d'accord avec lui). Qu'est-ce qui se serait passé si Denis Lévesque avait rencontré Barack Obama. Vu sous cet angle d'ineptie pour les entrevues, les propos tenus par le personnage de Denis Lévesque sont beaucoup plus compréhensible. Ce ne sont pas des propos racistes, mais plutôt la vision d'un humoriste qui imite un journaliste épais. (Notez bien : je dis que c'est le journaliste qui est épais ; Denis Lévesque est une manifestation de ce journaliste. Cela n'implique pas que Denis Lévesque est épais.)

Fait cocasse, pendant qu'il expliquait le sketch, Louis Morissette a repris une des réplique qui avait été diffusée (grosse bizoune et une autre chose) et certains journalistes ont ri dans la salle. Il les a pointé du doit et leur a fait remarquer leur réaction, qui est exactement celle qu'il recherchait lors du Bye Bye.

Ils ont pris le temps de remercier tous ceux qui avaient travaillé avec eux sur l'émission et ils ont pris la défense de Radio-Canada, tout en s'excusant d'avoir entaché la réputation de la société. Ils ont incité les dirigeants de Radio-Can à continuer à supporter les artistes.

Louis Morissette a clairement dit que le blâme sur les choix de sketchs et les textes lui étaient entièrement imputables. Il ne s'est pas défilé de sa responsabilité personnel, s'est excusé et maintenant les deux veulent passer à autre chose. Je leur dis bravo !

La Brute

Je n'ai pas beaucoup aimé le ton pincé de Véronique. Par moments, je l'ai trouvée agressive dans son ton de voix. Par exemple, à la fin, elle a souhaité une bonne année à tout le monde mais je n'ai pas senti que c'était sincère. J'ai plutôt senti la politesse. Elle aurait pu s'en passer. Les souhaits qui ne sont pas sincères sont plus dommageables que de ne rien dire.

J'aurais aimé qu'ils répondent à une question ou deux, quitte à ignorer les questions franchement blessantes des journalistes. C'est risqué comme approche mais lorsque c'est bien fait, cela peut générer d'excellents dividendes.

À part ces deux petits détails, ils ont mené le point de presse de main de maître.

Le Truand

Le truand ? Oui : les médias. En un mot (ou deux) : LÂCHEZ-LES ! Ce qui a commencé par une émission médiocre (à mes yeux) est maintenant devenu un scandale national. Même le Globe and Mail en parlait cette semaine. Ils ont été villipendés par tout un chacun (ou presque). Pas la meilleure façon de commencer l'année pour ces deux-là.

Aujourd'hui j'écoutais Maisonneuve en Direct sur Radio-Canada et Maisonneuve parlait avec une journaliste du journal de Montréal. J'avais l'impression d'entendre une hystérique. Surtout lorsque je comparais son attitude à celle des deux autres invités, des hommes.

La journaliste demandait de revoir le mandat de Radio-Canada, comparait sans arrêt Radio-Canada à TQS. Maisonneuve l'a coincée quand il lui a demandé : Pensez-vous que l'on devrait remettre en question le mandat de Radio-Canada sur la base d'une heure d'émission ? Elle a bredouillé un peu au début, prise au dépourvu, mais a néanmoins maintenu sa position. Maisonneuve a dû, à plusieurs reprises, la ramener à l'ordre afin de laisser les deux autres invités s'exprimer également. Cela ne l'a pas empêchée de les interrompre régulièrement avec ses propos.

Finalement, on est heureux au Québec. Nous n'avons aucuns soucis, nous n'avons rien à faire sinon d'apprécier l'hiver à nos portes et la compagnie de nos voisins, familles et amis. Sinon, comment expliquer qu'une mauvaise émission de télévision suscite autant de passion ? On croirait une finale controversée Brésil-Argentine à la Coupe du Monde (si on veut parler de choses vraiment graves !).

Somme toute, Véronique Cloutier et Louis Morissette n'étaient peut-être pas la bonne équipe à mettre en place pour le Bye Bye. Radio-Canada a peut être péché par excès de confiance en acceptant de laisser Morissette mettre les gags plus osés en ondes. De là à vouloir la tête de la directrice et vouloir poursuivre Radio-Canada, il y a un pas. Je trouve plus inacceptable ces comportements que ce qui s'est passé le 31 décembre dernier. Je trouve la couenne québécoise assez mince ces jours-ci.

La conclusion

Toute cette saga illustre bien le travail d'équilibriste que doivent effectuer les humoristes. Pour avoir déjà tenté de le faire, je comprends à quel point cela peut être difficile et parfois, ingrat.

Il y a quelques années, dans le cadre d'un concours, j'ai écrit un discours humoristique où j'encourageais les participants d'un congrès à tromper leur mari ou leur femme, en utilisant une firme fictive qui couvrirait leurs traces.

Avant de le présenter au concours, je l'ai pratiqué à plusieurs endroits et je recueillais les commentaires des gens. J'ai reçu énormément de commentaires négatifs. Je me souviens qu'on ait dit à mon sujet que je n'aurais jamais dû avoir le droit de présenter ce discours en public. Une autre personne m'a pris à parti pour m'expliquer qu'elle venait de quitter son mari parce qu'il l'avait trompée et que je l'avais blessée avec mes propos. Et ainsi de suite.

Plusieurs fois pendant ma préparation, j'ai songé à abandonner mon discours et à recommencer à zéro. Je ne l'ai jamais fait parce que j'ai eu d'autres commentaires qui me disaient : tu es trop gentil, tu dois frapper fort si tu veux avoir de l'impact ; ce que tu dis dérange parce que ce n'est pas assez gros, mets-en plus ! C'est ce qui m'a encouragé à continuer.

Grâce à ces commentaires, j'ai travaillé et retravaillé mon discours pour le peaufiner et l'améliorer. Une chance : j'ai gagné le concours cette année-là. Véronique et Louis n'auront peut-être jamais cette opportunité car ils n'avaient qu'une chance de réussir et qu'ils n'ont pas pu améliorer leur produit avec le temps.

En tout cas, si jamais Radio-Canada cherche un néophyte inexpérimenté pour écrire le Bye Bye de l'an prochain, ils peuvent m'appeler si jamais tous les autres artistes sont trop frileux !

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