En tant qu'homme, embrassez-vous votre père?
Embrassez-vous vos oncles? Frères? Cousins?
La société nord-américaine a une position assez ambivalente quant à ce
geste relativement anodin.
Je n'y ai jamais vraiment porté attention avant d'arriver à l'âge adulte.
J'ai remarqué que lorsque je voyais mon père, je l'embrassais toujours sur la
joue. Pour moi, c'était un geste naturel que j'ai toujours posé tout au long
de ma vie. Avec l'âge, l'habitude n'a pas changé et c'est demeuré jusqu'à ce
jour.
J'ai remarqué que la majorité des hommes de mon âge (je viens d'avoir
vingt ans... pour la vingtième fois) serraient la main de leur père en le
voyant. Des fois, il n'y a même pas de contact
physique; ils ne font que se dire bonjour à haute voix.
Aujourd'hui j'ai eu la chance de rencontrer un homme d'âge mûr qui
m'expliquait que son fils l'avait embrassé pour la première fois en 24 ans.
Ouf!
Comme père de famille, ça m'a fait un choc. Mon fils est encore à l'âge où
il m'embrasse et il me serre dans ses bras. Il n'a pas encore atteint
« l'âge ingrat » où il cherche à découvrir qui il est
vraiment. Il n'a pas encore atteint l'âge où ses amis de classe pourraient le
taquiner s'ils le voient embrasser un homme... même si cet homme est son père.
Les hommes souffrent
considérablement d'une absence de contact physique. Il y a une tendance
à accepter le contact violent entre garçons, mais à juger négativement
le
contact neutre ou positif. Ce manque de contact peut avoir des effets très négatifs à long terme.
(En tentant rapidement de trouver des articles sur le sujet, la majorité de
mes recherches aboutissaient à des articles sur la violence chez les hommes,
l'homosexualité ou le SIDA.)
J'ai eu la chance de vivre dans un milieu où j'ai été exposé à un contact
différent entre les hommes adultes qui m'entouraient. J'ai souvent vu mon père
serrer ses amis dans ses bras; il ne m'a jamais repoussé quand je l'ai
embrassé même à l'âge adulte et je crois que cela a beaucoup affecté ma façon
d'agir avec d'autres hommes.
Lorsque j'étais au secondaire, je me rappelle que nous avions deux professeurs africains (malheureusement, je ne me souviens de quel pays ils venaient, mais je crois que c'était du Cameroun). Je les voyais régulièrement marcher ensemble, bras-dessus, bras-dessous.
Je fréquentais une école de religieux et j'avais entendu, par le biais de mes amis, tout ce qui se passait entre ces hommes quand les élèves n'étaient pas autour. Alors je me disais que les deux Africains étaient partenaires. Jusqu'à ce que quelqu'un m'explique que dans beaucoup de peuples africains, le contact physique entre hommes est fréquent et n'était qu'un signe d'amitié et de confiance.
Je ne me souviens pas avoir vu mon père
embrasser d'autres hommes. Et c'est un peu ce que je vis présentement. J'ai
rarement (jamais?) embrassé mes frères. Bon, peut-être une ou deux fois pour
leur souhaiter Bonne Année, mais c'est tout. Idem pour mes cousins et mes
oncles et mes amis.
Est-ce que c'est parce que j'ai une parcelle homophobe en moi? J'en doute.
J'ai l'impression que c'est vraiment une question d'habitude. Entre frères,
nous ne nous sommes jamais embrassés, même petits. Je n'ai jamais eu cette
habitude avec mes oncles et cousins non plus... du moins, presque.
J'ai un oncle et des cousins grecs. Je les vois rarement mais chaque fois
que je les vois, nous nous embrassons sur la joue. La première fois que c'est
arrivé lorsque j'étais adulte, nous ne nous étions pas vus
depuis près de vingt ans.
Cela m'a pris par surprise. Mais par la suite, je considérais ce geste aussi
naturel que celui que je pose envers mon père depuis que je suis petit.
Dans une société où l'on tente
d'éliminer tout contact physique, je crois que les hommes ont un travail
considérable à effectuer pour éliminer toutes les connotations
négatives véhiculées à propos du contact mâle-mâle.
Je sais qu'un jour, j'aurai peut-être à faire face à cette situation avec
mon fils. Je pourrais me retrouver dans la position où mon fils refuse tout
contact physique avec moi, parce que je suis son père et que je suis un homme.
D'un autre côté, si je ne change pas mon attitude avec lui, même s'il vit
une période plus difficile à l'adolescence, les (bonnes) habitudes acquises durant
l'enfance devraient revenir d'elles-mêmes. C'est ce que je peux faire de mieux
pour lui et pour moi.